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L'attente

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Titre : L’attente

Auteur : © Hervé Hesté 2017

Genre : Courte nouvelle

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La planète azurée tourne sans relâche dans l’espace-temps sidéral. Des milliards de gens y jouissent et y souffrent chaque jour. Des milliers y naissent et y meurent chaque minute. Les gens n’ont plus le temps de se parler trop occupé de communiquer. Quelques-uns se saluent en se téléphonant, d’autres en clavardant. L’être humain est devancé et dominé par sa technologie. 

 

L’homme exploite l’homme. La femme envie la femme. Partout, l’indifférence règne. La violente cupidité des hommes saccage la chair. Le pouvoir usurpe les droits et libertés. Les devoirs et les responsabilités sont relégués au second rang. Le respect et la dignité sont bafoués par l’humour et l’indifférence collective. La politesse est irrévérencieuse. La faiblesse tolère l’incompétence. L’instinct glorifie béatement la décadence. Le non-sens s’impose. La loi est fortifiée. La justice est sacrifiée à l’enchère des riches. C’est le chacun-pour-soi, le pas dans ma cour. 

 

C’est l’avènement de l’être libre prisonnier de ses bas instincts. La culture affiche ses plus basses pulsions. La science est occultée à l’intérêt du peuple insatisfait d’une consommation orchestré par le capitalisme outrancier. Le sport est imprégné du sexe et de la drogue. La politique est collusive, scandaleuse et flatte sa vanité iconique dans un message vide de sens et d’action. La religion est dépassée et bloquée à ses principes archaïques. 

 

Les guerres ravagent hommes, femmes et enfants au nom des pouvoirs capitalistes, politiques et religieux. Le mariage divise et le divorce se multiplie pour une liberté provisoire et contre une société stabilisatrice. Le crime devient coutume et la justice est de plus en plus mal perçue. Patronat et syndicat ne s’écoutent plus et ne se parlent plus au détriment des employées qui paient toujours la note. 

 

Les commerçants et les entrepreneurs séduisent leurs clients pour mieux en violer les droits. La société surtaxée s’engouffre de plus en plus dans des déficits insurmontables. La nature est agressée sans la moindre conscience d’appartenance. Des gens crient au secours dans la pleine indifférence d’une humanité vide d’empathie.

 

Il est presque midi et comme tous les jours, je fais un tour dans les rues de mon quartier. C’est l’heure de ma méditation quotidienne. Soudain, une idée me traverse l’esprit. Pourquoi ne pourrait-il pas en être autrement, pourquoi la vie ne pourrait-elle pas être différente? 

 

Puis cette idée m’habite et m’excite de plus en plus. Et je me demande pourquoi l’existence est ainsi et ne pourrait-elle pas être transformée? Je me demande pourquoi l’homme et la femme se disputent-ils si souvent. Pourquoi les religions se font-elles la guerre inlassablement au nom d’un dieu roi qui n’a guère de complaisance envers ses ouailles? Pourquoi les capitalistes s’abreuvent-ils à la source des pauvres jusqu’à en tarir leur plus légitime ambition d’acquérir un simple bonheur? Je me demande pourquoi il existe tant de conflits de générations entre les jeunes et les aînés. 

 

À bien y penser, il ne serait pas si compliqué d’améliorer la situation. Il suffirait d’un peu de rien comme disait si bien le poète, il ne suffirait de presque rien. Il suffirait d’un peu de respect, d’un peu d’amour. Il suffirait d’en demander un peu moins et d’en donner un peu plus. Quiconque a l’esprit sain sait qu’il peut le faire. Pourquoi si peu de gens le font? Il est si navrant de constater qu’en ce temps de communication à outrance, ce simple petit message n’a pas encore été compris de tous. De quoi est fait l’être humain pour être si insensible à son propre bonheur? Pourquoi est-il si difficile à l’être humain de se tenir en équilibre sur sa destinée d’être supérieur? 

 

Et puis voilà que soudain je pense avoir compris. C’est là notre triste destin. Il semble que la vie soit issue de l’opposition. Nous n’y pouvons rien. Il faut naître du désir et de la convoitise, s’user dans le plaisir et la douleur et mourir dans l’indifférence et l'oubli. Serait-ce vraiment ça la vie? Est-il préférable de ne plus chercher à répondre à la question et se libérer de sa laisse?

 

Mais non, car, heureusement, contre toute attente, il y a encore des gens de passion qui s’aiment et qui aiment assez l’humanité pour nous étonner, nous faire réfléchir et agir autrement, nous motiver à faire plus, à prendre moins et à garder notre confiance latente envers la nature universelle.

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